27.2.13

Ouzbékistan : des prisonniers invalides à nouveau privés d'amnistie

Il y a plus de deux mois, le 4 décembre 2012, le Sénat d'Ouzbékistan, pour les vingt ans de la Constitution du pays, a pris un arrêté relatif à l'amnistie. Ainsi que l'a déclaré le Comité sénatorial pour la législation et les questions juridiques, il s'agit d'un acte humanitaire à l'encontre de ceux dont les crimes ne sont pas dangereux pour la société. En particulier, sont mentionnés à part dans l'arrêté, les invalides des premier et deuxième groupes. Des personnes souffrant de maladies graves, des femmes, des hommes de plus de soixante ans, des citoyens étrangers.

La précédente amnistie avait été déclarée en Ouzbékistan en décembre 2011. Selon les données officielles, elle fut appliquée à plus de 45000 personnes. 1958000 personnes furent libérées  avant d'avoir purgé leur peine, soit après avoir vu leur peine réduite, soit après l'arrêt des poursuites judiciaires. 

L'arrêté du 4 décembre 2012 est rédigé de telle sorte que les prisonniers politiques sont exclus des amnistiables. 

L'Association des Droits de l'Homme en Asie Centrale - AHRCA sait que depuis des années, les dossiers d'amnistie ne concernent pas:
1. Les prisonniers invalides de premier et deuxième groupes, dont la liste est la suivante:
Mukhammadjon Akhmedovitch Kurbanov, né le 27 février 1957 dans la Région de Ferghana. Citoyen ouzbek, reconnu invalide du deuxième groupe le 2 octobre 2006 pour asthme bronchique de 4ème degré. Certificat d'invalidité N° А070009827. Enfermé au UYA 64/73 dans la colonie pénitentiaire de la Région de Zafarabad, arrondissement de Dzhizak. 

Mukhammadjon Kurbanov est aux arrêts depuis 2009. Accusé d'après l'article 227 (falsification de documents) ; 168, 2ème section, points "a", "b" (escroquerie), 3ème section, point " b " (escroquerie à grande échelle) du Code pénal de la République d'Ouzbékistan - UKRUz. Il a subi des tortures lors de l'instruction. Les actes d'amnistie ne l'ont pas concerné. 

Rustam Rakhmankulov, né le 17 octobre 1962, citoyen tadjik. A été reconnu invalide du deuxième groupe en 2006, ce que confirme une lettre de l'ambassade du Tadjikistan en Ouzbékistan. Il se trouve en UYA 64/71 dans le village de Zhaslyk, Karakalpakistan. 

Le 14 juin 2009, le tribunal municipal de Tachkent pour les affaires pénales a condamné Rustam Rakhmankulov à 18 ans de privation de liberté selon les articles 273, section 5 (vente de drogue); 246, section 2 (contrebande) du Code pénal d'Ouzbékistan. Le tribunal n'a pas tenu compte de son invalidité. Les dossiers d'amnistie du 27.06.2009, du 28.08.2010, du 08.12.2011 ne l'ont pas concerné. 

Shavkat Muslimovitch Karimov, né le 23 juin 1971, citoyen tadjik, Invalide des deux groupes depuis le 30 mars 1996, ce que confirme un certificat de l'ambassade du Tadjikistan en Ouzbékistan. Il se trouve en colonie pénitentiaire 64/47 dans la ville de Kizilktep dans la région de Navoi.

Le 9 février 2011, le tribunal du quartier de Mirabad à Tachkent pour les affaires pénales a condamné Shavkat Karimov à 20 ans de prison selon l'article 273, section 5 du Code pénal d'Ouzbékistan (fabrication, acquisition, détention et autres actions liées aux drogues et substances psychotropes à fin de vente et leur vente elle-même). Les dossiers d'amnistie ne l'ont pas concerné.

Murad Almatovitch Latypov, né le 1er janvier 1957 à Tachkent, citoyen ouzbek. Le jugement indique qu'il est invalide du premier groupe (aveugle), reconnu invalide depuis le 1er janvier 1997. Il se trouve à la colonie pénitentiaire UYA 64/32 dans la Région de Pap, arrondissement de Namangan.

Murad Latypov a été condamné selon 11 articles du Code pénal d'Ouzbékistan: article 28 (complicité  criminelle) au total avec l'article 97 (meurtre prémédité), section 2, points "a", "g", "d", "m", "p", " r " (15 ans d'emprisonnement); 145 (infraction à la liberté de conscience, section 2 (2 ans) ; 155 (terrorisme), section 3, points "a", "b" (15 ans); 158 (attentat contre le président), section 1 (10 ans) ; 159 (atteinte à l'ordre constitutionnel, section 4 (10 ans); 161 (diversion) (15 ans); 242 (organisation d'une société criminelle), section 1 (15 ans), 244-1, section 3, points "a", " b" (fabrication ou diffusion de matériel présentant une menace pour la sécurité civile et l'ordre social) (5 ans), 244-2, section 2 (15 ans), il a fait l'objet de l'article 59 du Code pénal d'Ouzbékistan (peine prononcée pour plusieurs actes criminels) ; il a été condamné à 16 ans d'emprisonnement. Arrêté le 16 octobre 2004. Accusé de complicité aux attentats de 1999. Il ne peut se déplacer sans être accompagné. Le tribunal le sait, cela a été filmé par 9 cameramen de la télévision Centrale d'Ouzbékistan dont le service des informations "Akhborot", le correspondant Ombudsman et les diplomates des ambassades des pays de l'Union Européenne. Les dossiers d'amnistie ne l'ont pas concerné.

Sunnat Turgunovitch Talassov, né le 28 août 1964 à Tachkent, citoyen ouzbek. Le verdict indique qu'il est invalide du premier groupe (aveugle). Talassov a été condamné selon 10 articles du Code pénal d'Ouzbékistan: article 28 (complicité criminelle) au total avec l'article 97 (meurtre prémédité), section 2, points "a", "g", "d", "m", "p", "r" (8 ans); 159, section 4 (atteinte à l'ordre constitutionnel) (7 ans); 244-1, section 3, points "a", "b" (fabrication ou diffusion de matériel présentant une menace pour la sécurité civile et l'ordre social) (5 ans); 244-2, section 2 (création, direction, participation à des organisations religieuses extrémistes, séparatistes, fondamentalistes ou autres organisations interdites) (7 ans), il a fait l'objet de l'article 59 du Code pénal d'Ouzbékistan et a été condamné à 10 ans d'emprisonnement. Arrêté le 27 novembre 2004. Condamné par le tribunal municipal de Tachkent pour les affaires pénales le 21 février 2005. Il est impossible de savoir où se trouve Talassov.  Les dossiers d'amnistie ne l'ont pas concerné.
2. Les prisonniers politiques de 60 ans et plus: 
Issak Abdullaev, né en 1935, citoyen ouzbek. Membre du Centre de Défense des Droits de l'Homme "Mazlum". Arrêté le 13 mars 2005, accusé d'après les articles 110, section 2 (torture) ; 112 section 1 (tentative d'assassinat et usage de la force) ; 137, section 2, points "a", "b", "c", "d" (enlèvement); 138, section 2, points "a" et "b" (privation illégale et forcée de liberté) ; 139, section 3, points "a", "b", "c" (diffamation) ; 165, section 2 (extorsion de fonds) ; 166, section 4, point "a" (infraction à la législation des douanes) ; 184, section 3 (non-paiement des impôts et autres dus); 219, section 2 (opposition à un représentant du pouvoir ou à toute personne dans l'exercice de ses fonctions civiles); 237 (délation mensongère) ; 244 ( fabrication  ou diffusion de matériel présentant une menace pour la sécurité civile et l'ordre social) et 273 (fabrication illégale, acquisition, détention et autres actes  liés aux drogues et psychotropes à fin de vente et leur vente elle-même) du Code pénal d'Ouzbékistan et condamné à 10 ans de privation de liberté. Issak Abdullaev a été condamné à l'âge de 70 ans ; à 77 ans, il est toujours prisonnier. Les dossiers d'amnistie ne l'ont pas concerné.

Salizhon Abdurakhmanov, né en 1950, citoyen ouzbek. Fondateur et correspondant de l'agence d'informations "Uznews.net" (http://www.uznews.net), membre de l' "Union actuelle des journalistes d'Ouzbékistan " et du " Comité pour la Défense des Droits des particuliers au Karakalpakistan". Il travaillait à Radio Liberté et à l'Institut de recherche sur la guerre et la paix.  Arrêté le 7 juillet 2008. L'accusation présentée se référait aux articles 276, section 2, point "a" (fabrication illégale, acquisition  détention et autres actes liés aux drogues et psychotropes à non fin  de vente) du Code pénal d'Ouzbékistan et condamné à 10 ans de privation de liberté. Salidzhon Abdurakhmanov, âgé de 62 ans, purge sa peine dans des conditions de vie difficiles,  l'accès aux soins médicaux lui est limité. Les dossiers d'amnistie ne l'ont pas concerné.

Murad Djuraev, né en 1952, citoyen ouzbek. Ancien député du parlement d'Ouzbekistan, ancien maire de la ville de Mubarek, région de Kashkadar. Il a activement participé à l'adoption de la "Déclaration d'indépendance" au parlement ouzbek. Membre du Comité Central du Parti Démocratique d'Ouzbékistan "ERK". Condamné à 12 ans d'emprisonnement le 18 juin 1994 pour crimes prévus par les articles 17-55 ; 17-60, section 2 ; 17-62 : 17-73, section 1 ; 17-197, section 1 du code pénal d'Ouzbékistan (1995). Sa peine fut ensuite réduite à 9 ans. Puis Djuraev fut condamné 4 fois à la privation de liberté selon l'article 221 (insoumission aux injonctions légales des services administratifs pour l'exécution des peines): en 2003, 2006, 2009 et le 5 décembre 2012. Murad Djuraev, 60 ans, reste en prison, il souffre d'une maladie du nasopharinx  et a besoin d'une aide stomatologique. Les dossiers d'amnistie ne l'ont pas concerné.

Samandar Kukanov, né en 1945, citoyen ouzbek. Ancien vice-représentant du Parlement de la République d'Ouzbékistan, membre du Parti Démocratique  d'Ouzbékistan "ERK". En 1993, il fut condamné à 20 ans de privation de liberté sur l'inculpation de délits commerciaux. Il n'y a  aucune information sur l'état de santé de Samandar Kukanov, 67 ans. Ses proches sont très inquiets.  Les dossiers d'amnistie ne l'ont pas concerné.

Ganikhon Mamatkhanov, né en 1951, citoyen ouzbek. Représentant  du " Comité pour la Défense des Droits des particuliers " dans la Vallée de Ferghana. Il fut arrêté le 9 octobre 2009, puis condamné à 5 ans de privation de liberté selon les articles 168 (vol) ; 211, section 3 (corruption) du Code pénal d'Ouzbékistan. Ganikhon Mamatkhanov, 61 ans, souffre d'insuffisance cardiaque. Les dossiers d'amnistie ne l'ont pas concerné.

Mamadali Makhmudov, né en 1940, écrivain, membre du parti Démocratique d'Ouzbékistan "EKR". Ancien représentant du Fond Culturel d'Ouzbékistan. Il fut arrêté le 19 février 1999, puis condamné à 14 ans de prison selon les articles 25-159, section 4 (atteinte à l'ordre constitutionnel) ; 216 (organisation illégale de groupements sociaux ou de communautés religieuses), 242, section 1 (organisation d'association délictueuse) du Code pénal d'Ouzbékistan. Mamadali Makhmudov, 72 ans, reste en prison. Les dossiers d'amnistie ne l'ont pas concerné.

Agzam Turgunov, né en 1952, citoyen ouzbek. Directeur exécutif et fondateur du Centre pour la Défense des Droits de l'Homme " Mazlum ". Le 11 juillet 2008, il fut condamné à 10 ans de privation de liberté selon l'article 165 (extorsion de fonds) du Code pénal d'Ouzbékistan. Agzam Turgunov souffre d'une insuffisance cardiaque. Les dossiers d'amnistie ne l'ont pas concerné. 

Rustam Usmanov, né en 1948, citoyen du Kirghizstan. Ancien représentant du directoire  de la première banque privée commerciale " Rustam-Banque ". Il fut condamné en février 1998 à 14 ans d'emprisonnement selon les articles 165, section 3 (extorsion de fonds) ; 177, section 3 (acquisition illégale ou vente de devises) ; 205, section 2 (abus de pouvoir ou de mandats), 209, section 1 (prévarication) du Code pénal d'Ouzbékistan. Un second verdict fut prononcé en février 2012 selon lequel il fut condamné à 5 ans de privation de liberté selon l'article 221 (insoumission aux injonctions légales des services administratifs pour l'exécution des peines). Le prisonnier Rustam Usmanov, 64 ans, a subi plusieurs fois des séances de torture, il souffre d'insuffisance cardiaque. Les dossiers d'amnistie ne l'ont pas concerné.

Istroïlzhon Kholdarov, né le 23 août 1951, citoyen ouzbek. Représentant de la section de la Région d'Andizhan de l'Organisation de Défense des Droits de l'Homme en Ouzbékistan " Ezgulik ". Il a quitté l'Ouzbékistan en octobre 2005 et a demandé la protection internationale à la représentation de la Direction du Haut-Commissariat pour les Réfugiés de l'UNESCO au Kirghistan. Le 2 novembre 2005, l'Ouzbékistan a lancé un avis de recherche contre lui selon l'article 159, section 1 du code UKRUz (atteinte à l'ordre constitutionnel). Selon la version officielle, le 7 septembre 2006, il aurait fait amende honorable auprès de la Direction des Services de sécurité nationale de la Région d'Angizhan. Les circonstances de son retour en Ouzbékistan restent inconnues. En février 2007, le tribunal de la Région d'Andizhan l'a condamné à 6 ans de privation de liberté selon les articles 159 (atteinte à l'ordre constitutionnel) ; 216 (organisation illégale de groupes sociaux), 223 (sortie illégale du territoire) ; 244-1 (diffusion de matériel présentant une menace pour la sécurité civile). Un second verdict fut prononcé le 15 juillet 2012 selon l'article 221 (insoumission aux injonctions légales des services administratifs pour l'exécution des peines) qui prolongea sa peine de 3 ans. Istroïlzhon Kholdarov, 61 ans, invalide du 2ème groupe, demeure en isolation dans des conditions qui nuisent à sa santé. Les dossiers d'amnistie ne l'ont pas concerné.

L'Association des Droits de l'Homme en Asie Centrale - AHRCA, appelle la communauté internationale à intervenir d'urgence dans la destinée de ceux qui, au mépris de la Constitution de l'Ouzbékistan, sont privés de liberté.



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